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Interview

Oublié le maniérisme et les arrangements prononcés de Fin de Siècle. En 2001, le divin Neil casse son miroir de séducteur et abandonne son candy-rock mignon pour un disque dylanien, à l'acoustique intimiste. Interview régénérante.

En comparaison de Fin De Siècle, votre album précédent assez ampoulé, Regeneration sonne très frais...
On avait envie d'authenticité, de vraiment jouer un album au plus près de nous mêmes. Sans choeurs ni grand orchestre. Juste quelques cordes par ci par là. Il se trouve que ça a coïncidé avec la signature sur un nouveau label et le choix d'un nouveau producteur Nigel Godrich (Radiohead,Travis,...). Tout ça donne de la fraîcheur. On s'est senti des ailes de groupe débutant.

Neil, y avait-il un ras le bol du cliché "Neil Hannon et ses joyeux compagnons" ?
Je contrôlais tout sur les disques précédents : les idées, les thèmes, les orchestrations. Je voulais couper avec la frime, le grand spectacle. Ca fait six ans que Divine Comedy existe et le groupe n'avait jamais vraiment participé à la composition. C'est notre album le plus collectif. J'ai composé les chansons sur une guitare acoustique, à la Dylan. Le groupe a passé la deuxième couche. Nigel Godrich a mis la touche finale.

Qu'est ce qu'il a apporté à votre son ?
Il a surtout épuré les chansons : il a tout de suite accroché alors qu'il n'aimait pas nos albums précédents. Il s'est concentré sur les morceaux, en laissant de côté notre image. Le fait de travailler entre nous, sans musiciens extérieurs au groupe, a simplifié les choses. Nigel a apporté aussi pas mal de trouvailles sonores. Il nous a encouragé utiliser des boîtes à rythme, à jouer avec les bandes. Il a donné du moelleux à notre son.

L'acoustique amène beaucoup de sobriété, sans que ça tourne à l'austérité…
C'est à la fois plus sobre et plus "défoncé". C'était caféine et marijuana a volonté dans la journée, grande bouffe le soir. Il fallait qu'on aille à l'essence des chansons, conserver à tout prix ce sentiment initial, la vibration. Avant, j'avais le sentiment de perdre le feeling, c'était un processus très intellectuel. Sur ce disque, on a redécouvert pourquoi on fait ce boulot de musicien. Résultat : on se fait vraiment plaisir à le jouer live.

Toujours accro à Scott Walker ?
Je l'admire toujours autant mais j'ai tourné la page. C'était difficile de faire vivre cette influence dans cet album parce que je ne l'ai pas arrangé. Quand tu composes sur guitare acoustique, le résultat final t'échappe.

Vous avez profité de la guéguerre Oasis/Blur, qui a servi par ricochet toute la britpop…
On a jamais fait voulu faire partie de la britpop. On y a été attaché malgré nous. Maintenant, ils sont tous grabataires et Divine Comedy est toujours là. Blur et Pulp existent encore, mais plus pour longtemps. On va tous les enterrer. Une pensée pour Sleeper, Menswear, Elastica, qui se sont ramassés. Ils étaient déjà mauvais au départ.

Qu'est ce qui vous a fait durer ?
Des bonnes chansons. On s'entend, on est de bons musiciens. En plus, on a jamais eu cet album "énorme" qui fait l'unanimité. Du coup, l'espoir subsiste à chaque disque.

Qu'avez vous fait de la nostalgie qui se dégageait de votre musique, des années 30, 60…
C'est le premier disque qui ne se réfère pas à d'autres périodes. Casanova était un album assez démonstratif, à la française, Short Album About Love aux ballades romantiques des années 60, avec des influences germaniques. Regeneration sonne intemporel. En fait, on a mis dix ans à trouver notre son. C'est reparti pour cinq ou six albums, une décennie. Divine ne mourra jamais.

Ta voix a mué. Tu as mis un bémol sur tes airs de crooner indé….
J'ai essayé de trouver ma vraie voix, au lieu de vouloir singer Scott Walker. Cela dit, je sonnerai toujours un peu comme lui, parce que j'ai appris tout ce que je sais du chant en écoutant ses disques. En fait, je suis passé de Scott 1 à Scott 4 (son album le plus country).

On vient de fêter les dix ans de la mort de Gainsbourg. Influencé ?
Il a été très influent sur Casanova, dans le côté cosmopolite francophile et sexe. Il a écrit de super chansons et des paroles excellentes. Ma préférée reste La Javanaise. Dans les dernières années, c'est devenu une tactique de provocation, mais il a jamais perdu son côté rebelle.

Jusqu'à récemment, l'Irlande était le pays de Bono et des Pogues. Qu'est ce qu'il y a à prendre sur la scène irlandaise en ce moment ?
Pas grand chose de neuf : côté Irlande du Nord, Ash, un groupe qui a commencé en même temps que nous, Tram. Au Sud, c'est piteux. Un groupe décent apparaît tous les cinq ans. Les cinq ans qui suivent, tous les groupes sudistes se clonent dessus.

Playlist Divine Comedy
Scott 1 - Scott Walker
Scott 2 - Scott Walker
Scott 3 - Scott Walker
Scott 4 - Scott Walker
Gainsbourg Forever - Serge Gainsbourg
Shining light - Ash

Jérôme Boyon
Alapage 2001