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Liberation

Pourquoi ce fichu disque est-il aussi bouleversant? Même cette pauvre cassette, toute nue dans son morceau de papier crème et son misérable boîtier plastique semble conjurer toute la mélancolie du monde, entre deux éclats de rires mutins, comme une fille heureuse pour un instant seulement. Cette libération commence pourtant comme un disque de pop anglaise comme il en sort de chaque université ou de chaque pub. Il y a ce ‘Europop’, improbable hommage à Abba et Umberto Tozzi qui révèle au monde le Bontempi comme instrument de prédilection du grunge, encore quelques essais intriguants où un clavecin discret vient prêter main forte au chanteur qui semble alors un peu égaré dans sa propre finesse harmonique lorsque surviennent ‘Queen Of The South’ et ‘Three Sisters’. La Clarté émerge soudain, avec, constante de l’album, des ingrédients totalement inattendus: ça démarre par un sample de travaux publics, genre emboutisseuse incontrôlable, le chanteur soulève une mélodie belle à pleurer à bout de voix et c’est un solo de mandoline qui vient enluminer un tapis de guitares salingues, avant que la chanson ne s’étiole toute seule. Face deux, c’est le violoncelle qui rejoint le clavecin, pour rire parfois, pour pleurer, souvent. Un piano survient alors, négligeant basse, batterie et tout le tintouin avant que la mandoline ne repasse par là, pour un ‘Europe By Train’ ou Joe Mascis rencontre Charles Trenet sur une gondole vénitienne pour saluer Leonard Bernstein. Les treize chansons de Liberation vont n’importe où, là où on ne les attend pas, mais elles méritent farouchement qu’on les suive.

8/10


Manuel Rabasse
Best 10/1993