Neil et ses petites contrariétés
Un oeil sur les photos et on comprend : Neil a changé, fini le playboy magnifique et désabusé de Generation Sex, place à l'homme mature, jeune marié heureux et artiste reconnu, sûr de lui. Pour Regeneration, The Divine Comedy devient également un vrai groupe où Neil laisse sa place d'homme à tout faire pour se consacrer au songwriting, laissant les mélodies aux autres. Explication de la transformation.
Pourquoi les gens aiment-ils ta musique passionnément ?
Je ne suis pas dans leurs têtes mais j'imagine que c'est parce que nous leur offrons des choses que les autres groupes ne leur donne pas. De la nourriture pour leurs cerveaux par exemple mais pas à tout les coups ! Musicalement, c'est très éclectique alors je en saurais te décrire notre fan type ou te dire les éléments musicaus qu'il préfère chez nous.
Il y a 10 ans, tu débarquais d'Irlande à Londres, tu n'avais pas un sou en poche et aujourd'hui, tu es l'un des musiciens les plus connus d'Angleterre. Lorsque tu te retournes sur cette carrière, qu'est-ce que cela t'inspire ?
Je suis arrivé à Londres pour la première fois en 1990 avec mon groupe de l'époque. Mais ils étaient tellement mauvais, nous avions si peu d'argent que nous avons splitter. Nous sommes tous repartis pour l'université et je suis revenu seul en 1993. Et je ne l'ai plus quitté. Je pense aujourd'hui mener la vie dont j'ai toujours révé.
Tu n'as jamais rêvé d'une autre carrière ?
Petit je voulais dessiner des voitures de sport, des Delorian. Je me l'explique par le fait que c'est à Belfast qu'elles sont construites. Alors, pour tout les petits garçons, ça sonnait comme un metier pour gens cool. Mais musicien, c'était encore plus cool.
Tu sembles avoir stabilisé la formation musicale autour de toi. Tu penses avoir trouvé le bon groupe ?
Oui car nous nous entendons tous extrêmement bien. Et c'est le plus important. Tu peux avoir les meilleurs musiciens autour de toi, si tu ne t'entends pas avec eux, le groupe va être un désastre. Être dans un groupe signifie concrètement passer du temps à vivre avec d'autres personnes dasn les lieux réduits, studio ou bus de tournée. Alors, si ca ne va pas entre ces personnes, c'est la bagarre générale assurée.
Tu as changé de label cette année. Qu'est-ce que ça t'a apporté ?
Concrètement ? Des investissements financiers. Notre ancien label n'avais plus les moyens de nous suivre er il n'accompagnait plus notre développement. Au contraire, nous les tirons ver le haut. Il ne pouvait même pas organiser des tournées mondiales de notre niveau ! Il ne nous aidait plus. Et lorsque tu es musicien, ton but est clair : ton nouveau disque doit toujours avoir plus de succès que le dernier. Ainsi, ton label te donne encore plus d'argent pour faire le prochain. Tout le mondre voudrait être fidèle mais au final, l'important est de survivre pour faire encore plus de disques. C'est comme dans ta vie sentimentale ou professionnelle, tu ne veux pas stagner. Tu veux toujours plus pour aller plus loin. Ceci dit, nous ne l'avons pas choisi au hasard : ils ont la réputation de suivre leurs diffrents groupes - comme Radiohead et Supergrass - à long terme.
De Generation Sex à Regeneration, tu as véritablement changé de style...
Il n'y a aucune connexion entre les deux. D'abord, je tiens à préciser que Generation Sex ne parlait pas du tout de sexe, mais de certains standards sociaux. Tandis que Regeneration traite de sujets sur lesquels je ne me vais pas m'étendre maitenant...
Pourquoi ?
Parce que il est important que ce soit les auditeurs qui les comprennent par eux mêmes.
Tu as changé de look ?
Non, pas tant que ça... Maitenant je n'y fais plus attention.
Pourquoi maintenant ?
La musique a beaucoup changé. Avant, nous allions toujours vers plus de frime. Nous avons décider d'être plus honnête et de sonner définitivement plus clair. De tout façon, nous ne pouvions pas aller plus loin : sur le dernier album, nous avions carrément joué avec un orchestre philharmonique. Il nous fallait changé ou refaire éternellement la même chose.
Quel âge as-tu aujourd'hui ?
30 ans... Oui je vois où tu vas en venir. C'est vrai que mon âge a dû également jouer. Le groupe a mûri. Lorsque tu grandis, ton attitude envers le monde et tes valeurs changent. Tu ne veux plus gouverner l'univers.
Mais Divine Comedy est également connu pour sa grandiloquence. Vos fans ne vont pas être déçu ?
Divine Comedy n'a jamais été pris dans un sens drôle. Je l'ai choisi par rapport au bouquin de Dante. Pour lui la comédie ne signifie pas la rire gras mais plutôt la comédie humaine, qui est finalement proche du drame. J'ai toujours adoré ce titre parce qu'il montre les deux pôles extrèmes de l'être humain, le sacré et le profane. Une moitié de toi veut élever ton esprit, enrichir ton âme et l'autre songe juste à tirer des meufs, jouer à la playstation, être une bête. Ces deux forces opposées, qui livrent bataille en chacun de nous, font la condition humaine.
Je vois que tu peux dire des choses profondes, même le matin...
Oui, je m'étonne moi-même ! (rires)
Reviens encore sur ce changement. Regardes ton look, on dirait un hippie, maintenant, c'est pas sérieux !
(rires) Quand même, mon pantalon est plutôt chouette ! Ceci dit, justement, le problème est que les gens ne nous prenaient pas au sérieux. Tout ce qu'ils voyaient étaient nos vidéos débiles, des chansons aux paroles légères et des costumes bizzares... Là, je ne te parle que d'une certaine frange de la population car je suis persuadé que beaucoup de personnes qui nous écoutent, ne voient même pas à quoi nous ressemblons. Et puis, de toute façon, je n'avais plus autant d'argent à foutre dans les costumes ! (rires) Non... Comment dire ? J'ai réalisé que tu pouvais être une personne responsable, interessante et ne pas être en costume. J'ai pris de l'assurance en moi-même, je n'avais plus besoin de me créer ce personnage pour être un artiste.
En tant que compositeur reconnu, comment juges-tu l'environnement musical anglais ?
Tu as surtout une pression au moment de la sortie de ton premier album. Mais ton label te soutient beaucoup car ils t'ont signé car ils croyaient en toi. Après, il y a beaucoup de presse et c'est un autre problème...
Comment travaillez-vous ?
Neil écrit les chansons et les ré-arrange. Mais il nous a laissé beaucoup plus de liberté sur l'écriture des mélodies pour cet album là. Le groupe est formé depuis longtemps maitenant et il sait qu'il peut nous faire confiance. Nous sommes sur la même longueur d'onde.
Alors, Neil, ça n'a pas été trop dur de laisser un peu de pouvoir ?
Je ne leur ai pas donné mon pouvoir, je l'ai transféré. Mais, c'est vrai que j'ai eu parfois du mal... Je ne suis pas habitué mais je dois m'y faire. C'est aussi ça grandir : tu réalises que les gens autour de toi sont bons et que tu peux te sentir mieux si tu crois en eux. Plusieurs cerveaux sont toujours mieux qu'un seul !
Tu sembles vraiment apaisé aujourd'hui... Qu'est-ce qui a tellement changé dans ta vie ? Tu as découvert l'amour ?
Oui, je me suis marié en 99 et ça m'a beaucoup changé. Pas simplement parce que ma femme me rend fou à me dire quoi faire dans le groupe ! (rires) Mais, je me sens bien dans ma vie et je n'ai plus le besoin constant de prouver au monde quel génie je suis.
Regeneration
Timestreched
C'est une chason qui parle de la frustration. Tu n'as jamais assez de temps pour faire les choses que tu veux : jouer à la playstation ou aller au théâtre... Tu y retrouves la problèmatique de la dualité que nous évoquions avec le nom de groupe. C'est une des toutes premières chansons que j'ai écrite pour l'album. C'est toujours un moment dur car tu ne sais pas très bien où aller... Musicalement, elle est toute en progression.
Bad Ambassador
Elle m'a été inspirée par quelqu'un qui travaillait avec nous sur les tournées. Il était complètement fou et Joey, notre manager, lui a dit un jour "tu es un mauvais ambassadeur pour l'Irlande". Ça m'a fait beaucoup rire. Mais la chanson parle du fait de vouloir être dans un groupe, de préférence qui marche. De savoir gérer la pression, surtout lorsque les personnes pensent que tu peux faire des choses que tu n'es pas capable de réaliser. Musicalement, c'est un vrai rock, où tout a été épuré à l'extrème par Nigel, notre producteur.
Perfect Lovesong
C'est à propos de ma femme et je n'en dirais pas plus ! (rires) C'est une chansons que j'ai en tête depuis 1992 mais je n'avais pas réussit à la mettre en forme. Elle était trop belle pour que je la gâche en faisant un espèce de pastiche débile des Beach Boys. C'est très dur dans ce métier déviter les clichés, spécialement avec les chansons d'amour. Alors j'ai attendu et elle est venue. Notre producteur nous a aidé à la mettre en forme : je dois t'avouer que sans son interdiction j'aurais mis un pauvre solo de guitares au milieu...
Note To Self
Elle m'a été inspiré d'un film indé, Pi, comme le symbole mathématique. C'est une sorte de journal, fait à ma propre intention. Elle parle de la confusion dans mon esprit. Nous l'avons enregistrée très vite en studio, autour d'un simple rythme.
Lost Property
C'est une chanson qui parle de notre bassiste, qui pert toujours toutes ses affaire. Et il a un rêve récurrent : un jour il arrive dans un champ et toutes ses affaires l'attendent, empilées, au milieu de celui-ci. Et il se sent immensément heureux. Et je trouve cette histoire très touchante, je ne sais pas pourquoi. Musicalement, elle n'a vraiment pas un format standard. Il y a beaucoup de niveau de lecture, ça rappelle le rêve. Nous avons rajouté de la flûte, ça donnait un côté mélodique que nous aimons bien.
Eye Of The Needle
Non, je n'y avoue pas mon penchant pour l'héroïne ! Ça part de l'histoire dans la Bible : il est plus dur pour un homme riche de rentrer au paradis qu'à un chameau de passer par le trou d'une aiguille. Et ça parle de tous ces gens qui vont à l'église le dimanche, juste pour montrer leurs richesses ou faire les malins, sans écouter le message qu'on leur transmet. C'est assez ironique. Nous l'avons commencé à la guitare acoustique, comme tout les chansons de l'album et Nigel y a ajouté un rythme génial, qui fait toute l'originalité de la chanson. Il l'a trouvé en à peine 20 minutes.
Love What You Do
Nous avons eu une première session en studio pendant trois semaines, puis : semaine de break. Nous l'avons écrite en revenant car nous étions un peu démotivés à ce moment-là. Il y avait eu beaucoup de tensions pendant la journée, on s'enguelait et Nigel, encore lui, a crié plus fort que tout le monde : "Aimez ce que vous faites ou arrêtez !"
Dumb It Down
C'est sur la manière dont les médias prennent le public pour des crétins. Ils pensent que le public ne veut que de la merde et ne lui servent que ça. C'est faux ! Même en ayant eu une dure journée, les gens veulent de la qualité. Qui plus est, l'intelligence peut-être très légère : regarde les chansons des Beach Boys...
Mastermind
C'est à propos de l'auto-justification. Tu cherches parfois à prouver des choses aux gens alors que l'important, c'est que tu es. Ça ressemble un peu à de la folk music.
Regeneration
Je t'ai dit que je ne voulais pas parler de cette chanson... Les auditeurs trouveront. Musicalement, c'est la plus compliqué de l'album : nous avons mis un temps fou à l'écrire.
The Beauty Regime
J'ai pris le titre d'un magazine "Lifestyle" que j'ai lu aux toilettes un jour. Et j'ai halluciné sur la manière dont il pensait gérer la vie des gens, leur dire ce qui était de mauvais goût ou pas. C'est sur tous ces gens qui te disent comment tu dois être : quels vêtements porter, t'empêcher d'être égoïste, blah blah... Et ça me rend vraiment malade. Je devrais écrire une chanson pour crier "merde, soyez ce que vous êtes" ! (rires). Musicalement, c'est une chanson très simple car elle veut aller droit au but. Elle était bonne dès la seconde prise de studio.
Marc Elbichon
Newcomer, 04/2001