Absent Friends
A l’heure du faux punk, du faux gothique et du faux R&B, à une époque où plus personne ne songerait à appeler un chat un chat, que reste-t-il du dandysme, le vrai, celui dont l’élégante excentricité exprime un altier désir de se désolidariser de son temps? Existe-t-il encore, pour paraphraser Barbey, des Talons Rouge dans le rock and roll? Des Scott Walker, des Ray Davies? Dans un désert d’uniformisation consternante, il reste, heureusement, le fou Neil Hannon qui, non seulement retourne boire à la source qui a fait ses plus riches heures, mais en revient par-dessus le marché avec un album spectaculaire. Autant le dire, Absent Friends est un chef-d’œuvre absolu, une somme extraordinaire. Il y a, déjà, cette voix orchestrale à elle seule… Mais il reste, surtout, des morceaux ahurissants de beauté, roulés dans des arangements de cordes insensés. En deux titres déjà, Hannon écrase tout le monde: ‘The Wreck Of The Beautiful’ et ‘Our Mutual Friend’, deux fusées dans nos cœurs, sont tout simplement les deux œuvres les plus hallucinantes entendues depuis si longtemps qu’on ne s’en souvient plus.
Là, Hannon fonce à rebours de son époque, et flotte, en suspension, dans un brouillard sublime. Mais le chanteur du groupe au nom dantesque est trop malin pour se vautrer dans un romantisme noir à la complaisance facile… Avec ‘The Happy Goth’ (!) et l’excellent ‘Billy Bird’, il sort, toutes griffes dehors, un humour salvateur qui prouve, une fois de plus, une élégance d’esprit devenue bien trop rare. Pour quelques-uns - sans doute peu nombreux mais c’est bon signe - cet album sera celui de plusieurs années.
4/5
Nicola Ungemuth
Rock & Folk 04/2004