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Comique Troupier

Absent Friends, le septième album de Divine Comedy, signe son retour vers un souffle orchestral dont lui seul a le secret. Rencontre détendue avec le grand Neil Hannon, désormais seul maître à bord

Trois ans se sont écoulé écoulés depuis Regeneration
(Coupant aussitôt)… Trois ans depuis le split de Divine Comedy et ils sont aujourd’hui de retour (rires)! C’est vite passé, ça a été une période intéressante… Je me suis cherché et je me suis trouvé. Au sens hippie du truc (rires)! J’ai 33 ans et je fais ça depuis que j’ai quitté l’école. Je n’ai plus de choses à prouver, juste l’envie de faire un super album que je pourrais écouter avec une bonne chaîne, calé dans un fauteuil confortable avec mon toutou à mes pieds (rires)!

Il y a un net changement de son par rapport à Regeneration. Etes-vous conscient qu’il y avait de véritables perles sur cet album?
Oh oui! (rires). C’est important que les gens comprennent que cet album n’est pas une réaction au précédent. Tout ce que j’avais construit avec le groupe touchait à sa fin. Nous avions en quelque sorte atteint le sommet. Je ne pouvais me projeter dans le futur, alors qu’habituellement je sais quelle va être la suite. Il m’a fallu tout reprendre à zéro. Ça a été horrible car ce sont tous mes meilleurs amis, mais tourner devenait de moins en moins fun, certains avaient d’autres priorités… C’est la vie.

Ce sont donc eux les ‘Absent Friends’?
Oui, ce qui est la preuve de ma logique implacable (rires)! Mais il n’y a pas de concept, c’est une sorte de thème général. Souvent avec la musique les gens s’attendent à de grands messages. Mais ces messages sont dans l’inconscient de ces mêmes personnes. Ils entendent ce qu’ils veulent (pause méditative). Non en fait je l’ai lu dans un livre ce matin (mort de rire)! Mais ça doit être vrai, les artistes donnent juste de la matière qui servira de base au développement de l’imagination.

Ce disque évoque parfois les espaces américains…
C’est marrant que tu dises ça parce que j’ai écrit certaines chansons en traversant de grandes contrées… Mais je ne suis pas un fan de l’Amérique. Le ligne vocale de Freedom Road fait très country sans que je sois pour autant fan du genre. J’aime Johnny Cash. Je n’ai pas trop eu le choix car c’est le seul truc que tu trouves sur les aires d’autoroutes aux Etats-Unis!

L’orchestration est imposante, il y a comme un retour à vos vieilles amours…
Oui, mais en mieux (rires)! Avant, derrière les orchestrations, il y avait un groupe. Là je voulais créer un ensemble cohérent. Pour Sticks and Stones par exemple, j’avais ce motif de piano que j’ai préféré transférer sur les cordes. L’aspect rythmique est une chose sur laquelle j’ai longtemps réfléchi. Sur Mutual Friends, j’ai privilégié le tambourin et la contrebasse plutôt qu’un bon vieux beat disco. Si tu écoutes Pet Sounds (album des Beach Boys, NDR), il n’y a pas de batterie, juste un tambourin. Il est vrai qu’une bonne chanson n’a pas forcément besoin de tous ces arrangements, mais pour moi c’est vital, j’adore ça. Quand j’étais jeune, je ne voulais rien d’autre qu’une guitare, une douzaine de pédales, et faire un putain de bordel (rires)! La vie peut être grise, ennuyeuse, il faut que ça vibre. Pour moi, la moindre occasion de faire quelque chose de beau et d’élégant est à saisir. Mais les cordes dans la pop sont utilisées d’une manière très superficielle - je l’ai fait moi-même par le passé -, alors qu’elles offrent de nombreuse possibilités.

On sent une certaine nostalgie dans les textes… Quel genre de jeune garçon étiez-vous?
Quand tu es un ado passionné et obsédé par la musique, tu passes beaucoup de temps enfermé dans ta chambre, ce qui inquiète beaucoup les parents (rires)! Je parle de cette absence de dialogue entre enfants et parents. Quand tu es dans cette situation, tu n’es pas malheureux, juste embarrassé vis-à-vis d’eux. Mais tu apprécies aussi cette introversion. J’étais un ado très timide. Je le suis encore mais je crois que j’ai trouvé un bon moyen de me soigner. C’est horrible de se dire que ta vie musicale est tracée entre 4 et 6 ans. Après c’est foutu. Je pense avoir été forgé par la musique d’église (son père est évêque, NDR), la musique du Livre de la Jungle et ELO. Quoi que je fasse, mes chœurs, sonneront toujours comme Jeff Lynne! Tu recherches toute ta vie à revivre tes premières émotions. J’avais 16 ans quand j’ai vu Chambre avec vue de James Ivory et je me suis dit que c’était la plus belle chose au monde. J’essaye encore de retrouver cette romance.

Que pensez-vous de la musique actuelle?
Le problème est que la pop ne se développe plus. Non pas que je sois original mais je fais mon propre truc. Sans doute suis-je trop vieux maintenant. Mais je ne veux descendre personne, je l’ai fait dans le passé et comme par hasard ce sont toujours les gens que tu croises dans un festival la semaine d’après (rires)! Rufus Wainwright est bon. Espérons qu’il réussisse à rester lui-même sans se faire broyer. Si l’on doit parler de différence entre la musique anglaise et la musique américaine, on pourrait comparer cela à la comédie. Une fois que les Américains ont trouvé une bonne idée, ils l’exploitent à fond. Ce sont des faiseurs. Les Anglais sont plus spontanés; ils ont des petits coups de génie sporadiques. En Angleterre, la musique indé est toujours massacrée par la presse. Il y a tellement de pression. Je n’ose même pas penser à ce que le NME dit de moi. Ils me croient totalement dingue.

Alors Neil, plutôt Beatles ou plutôt Beach Boys?
Et plutôt Lennon ou McCartney? Nigel Godrich, qui a mixé l’album, est en train de bosser avec lui (scoop!, NDR) et ça m’a l’air plutôt tendu (rires)! Pour répondre à la question je dirais les Beatles mais God Only Knows est une chanson qu’ils ne feront jamais! Ou plutôt qu’ils n’ont jamais faite.


Guillaume de Maria
Startup 04/2004