Avec le commencement du 21ème siècle, une page est tournée dans l’histoire de The Divine Comedy. Après dix ans chez Setanta Records, le groupe a changé pour une major, Parlophone Records. Ce changement impliquait aussi un changement dans la musique et le style. Le temps de la pop orchestrale était terminé et avait été scellé par la sortie d’un best of,
A Secret History... Le groupe avait mûri: certains de ses membres étaient maintenant mariés (Neil Hannon à Òrla Little, et Joby Talbot à Claire Burbridge). Et ils veulent accomplir quelque chose de différent.
Regeneration est la preuve de cette nouvelle ambition. Avec un producteur nul autre que Nigel Godrich, qui venait de travailler avec Travis et Radiohead, dont l’influence est très présente sur l’album, au point que celui-ci a été sujet à controverse. Cependant, le projet d’une telle production, et le son de celle-ci étaient vraiment la décision de Neil Hannon. Peu après la sortie de
Fin de Siècle, il avait déjà parlé de faire après cela un album moins ambitieux [3]. La chanson ‘
Too Young To Die’ écrite à cette époque signalait aussi un changement dans le look: au lieu de se cacher derrière un costume, Neil Hannon se montre tel qu’il est vraiment, vêtu de jeans et de baskets, et avec des cheveux longs comme en 1989.
Les chansons auraient été écrites quand Neil et sa femme ont déménagé à Londres, il n’avait alors pas accès à son home studio et a principalement composé les chansons à la guitare dans son jardin [1]. Ces nouvelles chansons ont été jouées pour la première fois en concert en Écosse en février 2000 alors que le groupe attendait Nigel Godrich (ce fut l’objet d’une plaisanterie qui proposait d’appeler l’album
Waiting For Godrich en référence à
Waiting for Godot [4]). Globalement, les chansons sont très ressemblantes à leur version finale ce qui fait que Nigel Godrich n’est pas tant à blâmer que cela du fort changement de style musical.
Bien que Nigel Godrich ait eu un grand rôle dans la production, en fournissant au groupe beaucoup de nouvelles méthodes de travail [5], et en aidant Neil à rester dans une démarche de retour à l’essentiel (back-to-basics), en ne le laissant pas poursuivre ses premières intentions sur la production, au contraire des précédents disques. Ainsi, des idées originales telles que ‘
Perfect Lovesong’ se terminant en pastiche des Beach Boys [6], ou ‘
Mastermind’ comme une chanson country, ont été écartées pour une production plus classique. Neil a plus tard décrit cette expérience comme essayer de se comporter en musicien professionnel [7].
De plus, le choix d’un producteur autre que Neil a été une opportunité pour ce dernier de laisser plus de créativité entre les mains autres membres du groupe. Comme la démo des chansons a d’abord été faite à la guitare, les autres parties ont été ajoutées par les autres membres qui pouvaient faire comme il le souhaitaient, comme par exemple les expérimentations de Joby sur la ‘dream machine’. [2]
L’artwork a aussi introduit un considérable changement. Ce fut la fin du concept de photographier Neil Hannon dans une ville différente pour chaque album. Comme l’album était plus un album de groupe, ils voulaient figurer tous ensemble sur les photos, mais sept personnes étaient trop pour une pochette. Partant de ce constat, ils ont trouvé une idée plus originale, qui était d’employer les œuvres d’art de la femme de Joby Talbot, Claire Burbridge. Ses sculptures étaient en fait exposées dans le studio pendant l’enregistrement, et le groupe a senti une sorte d’alchimie entre leurs travaux et les siens. [1]
L’album a reçu un bon accueil de la presse qui a alors rejeté l’album précédent
Fin de Siècle comme trop ambitieux. Le songwriting de Neil toujours riche avec des paroles pleines de références, mais toujours accessibles, en fait un album solide. Il a également été bien reçu en Europe (en France l’album s’est vendu en plus d’exemplaires que n’importe lequel des précédents albums de Divine Comedy). L’album a ramené un nouveau public pour le groupe, un public plus ‘indie-rock’ qui n’avait jamais entendu parler de DC auparavant, ou même n’aimait pas le groupe à cause des orchestrations des précédents albums. D’autre part, il n’a pas été très bien reçu par ceux qui étaient déjà fans de DC, et même parfois considéré comme un désastre. La plupart des communautés de fans ont alors explosé, et le public a réellement été renouvelé.
Le message général de l’album porte sur le fait d’être nous-mêmes, avec des chansons telles que ‘
Bad Ambassador’ (
I wanna feel real), ‘
Love What You Do’, ‘
Dumb It Down’ (ne pas laisser les média nous influencer), ‘
Mastermind’ ou ‘
The Beauty Regime’ (
All you need to do is forget all the useless advice). Neil prétendait également être plus lui-même sur cet album que jamais auparavant avec son nouveau look négligé [6], ce qui est assez vrai puisqu’il ne portait pas un costume en permanence dans la vraie vie. Mais il était toujours dans l’incarnation d’un rôle et a fait une promo plus intensive que d’habitude et des concerts plus éprouvants. A ceci s’ajoutait la pression du chiffre des ventes par la maison de disque (les 3 singles de l’album n’ont pas atteint la tête des charts comme dans les années 90) [8], ont conduit Neil à finir par faire une dépression nerveuse [9], et à dissoudre le groupe ensuite...
Regeneration a été un album épineux dans la carrière de The Divine Comedy. Les opinions sur cet album peuvent être très différentes d’un auditeur à l’autre, et nous ne tenterons pas d’en donner une. Mais les chansons restent celles de Neil avec son songwriting, et leur permettre de se frotter à un style différent aura été la plus grande qualité de cet opus.
[1] Response interview CD
[2] Studio Diaries, The Liberator, 2000
[3] Nulle Part Ailleurs 1999
[4] Strapt, 2001
[5] Alapage, 2001
[6] New Comer , 2001
[7] New Comer, 2004
[8] NME 31/10/2001
[9] The Orange County Register, 2002